Cadeau de Noël : nouez vos lacets différemment !

Depuis tout petit, faire des nœuds avec des bouts de ficelle m’a toujours paru être une solution fragile pour résoudre mes problèmes. Les nœuds que j’ai confectionné ont toujours fini par se desserrer, glisser, et finalement lâcher. Et puis je me suis mis à l’escalade et j’ai appris à réaliser des nœuds auxquels je confie ma vie. Du coup, ça a ravivé mon intérêt pour cette science (c’est une branche des mathématiques) qui peut s’avérer très utile au quotidien. À force de lecture et de réflexion, je me suis attaché à comprendre pourquoi certains tiennent et d’autres non. J’en suis ainsi venu à revoir ma façon de nouer mes lacets.

Tout petit, et comme beaucoup je pense, je louais l’inventeur du velcro. C’est vrai, pour faire ses lacets il faut de l’adresse pour se passer d’une troisième main (celle qui pose un doigt pour maintenir le nœud en place pendant qu’on le termine) et on est souvent contraint de le doubler pour retarder au maximum le moment où le lacet va se défaire. Bref, fastidieux et pas optimal.

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Étudions un peu ce nœud que tout le monde connait (n’hésitez pas à vous munir de ficelle pour expérimenter de votre côté). Son petit nom est nœud de rosette mais, comme très souvent, il est issu d’un nœud plus fondamental : le nœud plat (voir photo ci-dessus). Ce dernier est lui-même dérivé du nœud en tête d’alouette, comme vous allez vous en rendre compte plus bas. Alors c’est sûr que le nœud que vous faites sur vos chaussures ne ressemble a priori pas du tout à un nœud plat. C’est parce-que le nœud de rosette est en fait un nœud plat gansé, doublement en l’occurrence. Cela signifie qu’à un moment de sa confection, au lieu de passer un brin complet sous un lacet, on n’en passe qu’une partie, de sorte que si l’on tire sur l’extrémité on défait la ganse. [singlepic id=338 w=150 float=left]Comme cette explication est un peu abstraite, comparez donc la photo ci-contre (le nœud de rosette) avec la précédente et voyez comment les deux ganses sont formées : en les agrandissant jusqu’à faire passer les extrémités on retrouve le nœud plat ; en tirant sur les extrémités on défait le nœud.

Observez attentivement le nœud plat dans la première photo ou, mieux encore, confectionnez en un vous-même avec les bouts de ficelles que vous n’avez pas manqué d’aller chercher à la lecture de ce billet. Voyez comment les lacets s’enserrent l’un l’autre au fur et à mesure qu’on tire sur les extrémités, jusqu’à générer tellement de friction que le nœud en devient presque impossible à défaire. C’est grâce à ça que le nœud tient si bien, en théorie en tout cas. Dans la pratique, le nœud a un réel risque de se défaire si un de ses brins est soumis à des tractions importantes : dans ce cas une partie se retourne et le beau nœud plat laisse place à un nœud en tête d’alouette pas du tout adapté à maintenir les deux brins liés. Vous pouvez voir ça en écartant d’un coup sec les deux brins qui sortent du même côté du nœud. Accessoirement, ça vous donne une méthode pour défaire ce nœud si jamais vous faites accidentellement sauter les ganses en serrant les nœuds de vos chaussures.

D’après ce que vous venez de lire, vous devriez en déduire que le nœud de rosette devrait très bien tenir, une fois correctement serré. Sauf que non. D’une part, il est difficile de le serrer correctement car il ne faut pas oublier qu’il est supposé maintenir une chaussure fermée. Donc si le nœud est serré trop loin de la chaussure, il ne maintient pas grand chose et ça nous fait une belle jambe que le nœud tienne bien. C’est précisément pour éviter ça que la troisième main est utile. Ensuite, il y a une erreur très commune qui consiste à nouer le nœud de rosette, autrement dit le nœud plat, à l’envers, comme sur la photo ci-contre.[singlepic id=341 w=150 float=left] On appelle ce nœud une queue de cochon. En le regardant vite, il ressemble à un nœud plat, sauf que si vous le regardez de plus près, vous verrez que le caractère doublement constricteur du nœud plat est ici très altéré. En conséquence, ce nœud génère moins de friction et se dessert plus facilement (d’ailleurs, je vous invite à en confectionner un vous-même et à constater qu’il met aussi plus longtemps à se serrer). Si votre façon de nouer vos lacets utilise un nœud en queue de cochon au lieu d’un nœud plat, alors vous refaites probablement vos lacets plus souvent que les autres. Mais rassurez-vous, il y a un symptôme très facile à identifier pour savoir si vous faites vos lacets correctement.[singlepic id=340 w=150 float=left] Sur la photo ci-contre, j’ai noué les lacets avec une queue de cochon et on remarque tout de suite que les ganses ne sont pas orientées comme il faut…

Nous en arrivons maintenant au cadeau de Noël de ce billet : un nœud qui ne nécessite pas de troisième main, et qui met encore plus longtemps à se desserrer que le nœud de rosette tout en étant aussi pratique à défaire. Appelons ce nœud révolutionnaire le nœud 137. Mais avant de vous le présenter, il faut que j’introduise quelques termes spécifiques qui vous aideront à suivre les explications. Vous connaissez déjà le mot ganse, il vous faut maintenant connaitre les mots tour mort, courant et dormant.

tour mort
Le lacet fait un tour complet de l’autre lacet. Ce n’est pas un nœud, c’est pour ça qu’on le qualifie de mort, mais ça sert à augmenter la friction. Il existe d’ailleurs des « nœuds » dits autobloquants qui utilisent plusieurs tours morts successifs pour augmenter la friction au point que le « nœud » tient.
courant
C’est le nom de la partie du brin que l’on fait courir dans le nœud lors de la confection. Dans le cas de lacets de chaussures, il y a deux courants.
dormant
C’est le nom de la partie du brin qui ne bouge plus lors de la confection d’un nœud parce qu’il forme le « corps » du nœud en cours. Dans le cas de lacets de chaussures, il y en a aussi deux, mais ça ne change pas grand chose car une fois noués, il est souvent difficile de savoir à quel lacet appartient un dormant particulier et ça tombe bien parce qu’on s’en fiche un peu.

Passons aux étapes de construction : (avec l’habitude, vous ferez plusieurs de ces étapes en même temps de sorte que ce nœud ne sera pas plus long à faire qu’un nœud de rosette)

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Maintenant que vous avez effectué ce nœud, vous êtes sans nul doute étonné par le fait qu’on n’a effectivement pas besoin d’une troisième main pour tenir le nœud au début. On peut même faire une pause de cinq minutes dans la confection sans toucher à rien et le nœud reste serré. C’est grâce à l’utilisation de deux tours morts successifs (étapes 1 à 5) au lieu d’un seul. C’est tout con, mais ça change la vie (enfin un peu). À partir de là, vous pouvez terminer le nœud normalement, ça tient aussi à peu près, mais ce n’est pas optimal car on superpose alors un seul tour mort sur les deux du dessous et ça forme un nœud qui se déforme lors du serrage, une sorte de mix entre un nœud plat d’un côté et un nœud en queue de cochon de l’autre. Bref, mieux vaut poursuivre le nœud 137 jusqu’au bout.[singlepic id=351 w=150 float=left] Dans la photo ci-contre, j’ai enlevé les ganses finales pour que vous puissiez apprécier la façon dont les dormants s’enserrent l’un l’autre en comparaison avec le nœud plat, augmentant là encore la friction.

Ça fait un petit bout de temps maintenant que je noue mes lacets de cette façon et je dois dire que ça fait plaisir d’avoir un nœud qui survive à une journée d’ultimate tout en étant simple à enlever. Sachez quand même que je ne suis pas le seul fêlé à vouloir réinventer la façon de faire ses nœuds de chaussure et que d’autres ont inventé des nœuds assez approchant du nœud 137. C’est le cas en particulier du freedom knot qui aboutit presque à la même chose que le nœud 137 à ceci près qu’il n’y a qu’un tour mort au début au lieu de deux, le déséquilibrant ainsi de la même façon que tout à l’heure. Par ailleurs, si vous voulez vous amuser un peu avec vos lacets, je vous recommande d’essayer quelques-unes des idées de ce site. Passer de bonnes fêtes de fin d’années !

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