Journée N2 à -196°C

Comme promis, voici un petit bilan de la journée azote liquide du 20 juin 2008. Après un repas de midi particulièrement agréable (c’était la présentation officielle d’Éliott au labo), notre petite troupe file au supermarché acheter quelques fruits exotiques, un melon, un œuf, de la glace aux fruits de la passion et de la crème chantilly. L’idée est bien-sûr d’agrémenter notre repas d’un dessert digne de ce nom, mais dont la préparation demande un ingrédient spécial que l’on ne trouve pas au supermarché : du diazote liquide. Pour s’en procurer, il faut prendre la direction du labo de physique qui en échange volontiers contre des boules de sorbet.


Toutefois, il n’est pas question d’aller chercher le précieux liquide trop tôt. En effet, à température ambiante, le bougre s’obstine à se vaporiser et à moins de disposer d’un dispositif de refroidissement onéreux, le mieux que l’on puisse faire est de ralentir au maximum son retour à l’état gazeux (tu étais gaz et tu redeviendras gaz). Nous nous attelons donc à la préparation de deux sorbets : celui acheté au supermarché ne demande pas beaucoup de travail, il suffit de le laisser fondre. En revanche, le sorbet exotique va nous demander bien plus d’efforts. Il faut éplucher les fruits et les broyer en une purée liquide aussi homogène que possible (avec des mangues pas mures accrochez-vous). On ajoute à cela du sirop nature et des blancs d’œufs battus en neige et hop le tour et joué. Avec la disparition des sorbetières des listes de mariage, on avait oublié que c’était plutôt facile de faire des sorbets maisons !

C’est donc le moment d’aller chercher le fameux azote liquide. Trois bons litres dans un récipient en polystyrène qui devrait garder le tout au froid pour le restant de l’après-midi. Première expérience conseillée par les physiciens eux-mêmes : plonger la main dans l’azote, ni plus ni moins ! En fait, à moins d’y rester plusieurs secondes, on ne sent même pas le froid, un peu comme quand on passe le doigt dans la flamme d’un briquet. En revanche, la sensation de liquide sec est étonnante. Eh oui, ce n’est pas de l’eau mais de l’azote liquide, donc dès qu’il est vaporisé il ne reste plus rien, ni goutte, ni sel, ni rien du tout. C’est également impressionnant de constater que renverser de l’azote liquide sur un livre n’a aucune conséquence : notre instinct veut voir le livre ressortir mouillé mais il n’en est rien. Enfin bref.

J’avais entendu dire que verser de l’eau dans de l’azote liquide reproduisait le type de choc thermique que celui qui est à l’origine du tonnerre dans un orage. Nous avons donc versé de l’eau dans le récipient, mais nous n’avons rien entendu. Dommage, ce doit être une affaire de proportions. Cela étant dit, cela nous a permis de faire des glaçons 🙂

Les expériences de sorbets glacés sont très concluantes : ça glace très très vite et en conséquence, les arômes se retrouvent presque intacts dans le sorbet et ça se sent, surtout dans le sorbet fait maison, il faut bien le reconnaître. On en a profité pour congeler de la crème chantilly et c’est ma foi très bon, bien qu’un peu froid. Vous vous étonnez peut-être qu’un sorbet glacé à l’azote liquide soit comestible, mais souvenez-vous que l’azote se vaporise complètement et ne laisse aucun résidu, donc il ne reste rien d’autre que le sorbet à la fin du processus…

Nous avons ensuite essayé différentes choses, dont la congélation d’un clou pour voir s’il se brise plus facilement et nous avons été forcés de constater qu’il faut vraisemblablement laisser le clou immergé dans l’azote liquide très longtemps avant qu’il devienne cassant. Le coup classique d’évasion de prison par le froid dans les films est donc souvent trop rapide pour être réaliste. De même, nous n’avons pas observé de diminution significative de la résistance d’une … résistance. Là aussi, il faut sans doute être plus patient pour que ça marche, ou alors vérifier que le matériau de la résistance est bien supraconducteur à une température proche de celle de l’azote liquide (ce qui ne doit pas être la cas).

En tout cas les expériences d’explosion ont été une franche réussite 🙂 Il faut cela dit être très prudent car le facteur d’expansion de la vaporisation de l’azote liquide est de 1 pour 694, et cela peut donner lieu à des explosions réellement violentes. En témoigne un accident survenu en 2006 dans une université du Texas : la soupape de sécurité avait été bloquée et le bidon a explosé en passant à travers le plancher et le plafond de la salle de stockage. Durant nos expériences, nous avons nous-même détruit ma bassine en plastique rien qu’en la posant sur la bouteille qui devait exploser…

Enfin voilà. Je vous laisse avec la vidéo pour juger de l’ambiance de cette après-midi détente.

Quelques mises en garde quand même :

  • l’évaporation dans un récipient clos de l’azote liquide peut donc conduire à des déflagrations très violentes ;
  • La température extrêmement basse du liquide peut occasionner des brulures par le froid ;
  • Si de grandes quantités d’azote liquide s’évaporent, alors elles vont localement réduire la concentration de l’air en oxygène ce qui peut conduire à de l’asphyxie ;
  • enfin, la température de vaporisation de l’oxygène étant de -180°C, l’azote liquide va avoir tendance à liquéfier l’oxygène de l’air et par conséquent à s’enrichir en oxygène et donc à devenir oxydant pour les matières organique que l’on y plonge.

Soyez donc extrêmement prudents lors de la manipulation de l’azote liquide.

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