L’ultimate, un sport injuste…

Un titre racoleur, j’en conviens. Mais réfléchissons à ceci : quelle est la véritable clef pour gagner un match d’ultimate ?

On peut voir la chose comme ça :

On gagne un match si on est le premier à marquer suffisamment de points pour atteindre une limite (1). Donc la clef, c’est de marquer des points. D’ailleurs, si on imagine une équipe avec une défense idéalement parfaite et une attaque idéalement inefficace (appelons-la l’équipe bouclier), on remarquera qu’aucune équipe ne peut gagner contre elle. D’ailleurs, ça ferait des matchs sans fin car l’équipe bouclier ne sait pas marquer de point et donc on resterait à 0-0 indéfiniment. Bref, l’ultimate est un sport où il faut attaquer pour gagner, et où défendre ne sert à rien si on ne marque pas derrière.

« Défendre ne sert à rien si on ne marque pas derrière »

Là on arrive à la notion de break au sens tennistique du terme (2). Faire le break, c’est réussir à prendre l’attaque de l’adversaire : défendre, récupérer le disque, et marquer. La vraie clef d’un match est là. Tant que personne ne fait de break, le score évolue en parité : 0-0, 1-0, 1-1, 2-1, 2-2, etc. Qui gagne ce match ? L’équipe qui a attaqué la première, donc celle qui a gagné le toss en gros. Pour gagner le match, l’équipe qui a défendu en premier doit faire au moins un break de plus que son adversaire : 0-0, 1-0, 1-1, break 1-2, 2-2, 2-3, etc.

La clef pour gagner un match, c’est donc de faire des breaks, et l’équipe qui défend en premier doit en faire un de plus que son adversaire.

En outdoor, on est sauvé parce qu’il y a une mi-temps.

Ou pas !

L’équipe A affronte l’équipe B. L’équipe A attaque la première, aucune des deux équipes ne fait de break : 0-0, 1-0, 1-1, 2-1, 2-2, 3-2. Comme ça ne change pas grand chose, disons que la mi-temps est déclarée quand une équipe arrive à 3. Il y a donc mi-temps à 3-2 pour A. En début de seconde période, on voit clairement que le fait que ce soit à B d’attaquer ne change pas grand chose, car ça aurait de toute façon été à son tour de le faire s’il n’y avait pas eu de mi-temps.

Pour qu’une mi-temps serve à quelque chose, il faut absolument que B fasse un break de plus que A avant la pause : 0-0, 1-0, 1-1, break 1-2, 2-2, 2-3, mi-temps. Là, on voit qu’au retour, c’est B qui va de nouveau attaquer alors que ça aurait du être A dans le cours normal : 2-4, 3-4, 3-5, etc. Dans ce cas de figure, passer en seconde mi-temps inverse l’inégalité : avant la mi-temps, A avait un break de retard, après elle en a deux.

Bon, mais des fois c’est le chronomètre qui décide de quand a lieu la mi-temps.

Dans ce cas l’effet de la mi-temps est aléatoire : si le dernier point est un point de B alors B gagne un break gratuit, si c’est un point de A, alors la mi-temps n’a servi à rien. Concrètement, chaque équipe a intérêt à jouer le chrono pour que son attaque soit la dernière de la mi-temps. Bref, j’ai envie de dire que c’est pire.

En résumé.

On peut dire que les règles du jeu de l’ultimate avantagent l’équipe qui attaque en premier. C’est complètement vrai en indoor car il n’y a pas de mi-temps, et c’est partiellement vrai en outdoor : l’équipe avantagée y est celle qui attaque en premier, sauf si l’équipe adverse parvient à inscrire un break de plus qu’elle en première mi-temps, auquel cas c’est l’équipe adverse qui sera avantagée au final.

Que faire pour y remédier ?

Pas grand chose car il faut bien qu’une équipe attaque en premier. Malgré tout, si on réfléchit un peu au problème, on se rend compte que son origine n’est pas le début du match, mais la façon dont on décide de le terminer. Comprenons-nous bien : les matchs problématiques sont ceux qui sont accrochés, soit parce que les deux équipes ont du mal à marquer, soit parce qu’elles ont du mal à défendre. Concrètement, ce sont des matchs qui opposent deux équipes de niveau très proche. Prenons carrément le cas où elles ont exactement le même niveau : comment déclarer un vainqueur de façon strictement équitable ? C’est évidemment impossible. Concrètement, cela signifie que le match entre ces deux équipes va durer indéfiniment, à moins d’interrompre la rencontre sur un score de parité (match nul). Ce sont les deux seules et uniques façons de rester strictement équitables.

À l’ultimate, on ne peut pas se permettre de ne pas limiter les matchs dans le temps et on refuse également la possibilité de faire des matchs nuls. Résultat, si deux équipes n’arrivent pas à se départager, alors un vainqueur est désigné de façon arbitraire (celle qui a attaqué en premier donc). Bref, quelle que soit la solution imaginée pour résoudre ce problème elle inclura forcément l’éventualité, soit d’un match infiniment long, soit d’un match nul.

Que faire alors ? Être fairplay ! De nos jours, la plupart des tournois (tous les tournois majeurs) établissent un classement préliminaire des équipes engagées (3), basé sur leurs résultats passés. Ce classement est utilisé pour réaliser des poules équilibrées (c’est le système des têtes de séries, sauf qu’il classe toutes les équipes). Je propose d’utiliser ce classement pour déterminer l’équipe qui attaquera en première : par fairplay l’équipe la mieux classée laisserait le privilège de l’attaque à l’équipe la moins bien classée.

Bon, ça ne résout pas le problème posé par l’existence de la mi-temps. D’un autre côté, la mi-temps a plus une valeur de pause qu’autre chose, puisqu’à l’ultimate, les équipes changent de camp à chaque point. On peut donc éliminer le problème de la mi-temps en la transformant en vulgaire pause et en laissant engager l’équipe qui avait marqué le dernier point, indépendamment de qui avait débuté le match.

(1) Éventuellement le cap. J’ignore volontairement le fait qu’il puisse y avoir une contrainte de 2 points d’écart car vous verrez que ça ne change rien à ce que je m’apprête à expliquer.

(2) Un break à l’ultimate est traditionnellement un lancer qui réussit à partir dans une direction normalement bloquée par un défenseur. Vous pouvez voir ça comme un smash au volley-ball qui traverserait le mur adverse au lieu de taper dedans.

(3) Ce classement est appelé seeding et il existe même des recommandations sur l’algorithme à utiliser pour établir ce classement.

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