Mettez vos idées en valeur

Dans un billet précédent, je vous parlais des conférences TED pour la qualité des orateurs qui y sont mis en avant. À chaque fois que j’en visionne une, je suis ébahi devant leur aptitude à nous parler de leurs travaux, de leurs idées, et à les rendre captivants, grandioses. Personnellement, je suis persuadé que savoir présenter son travail de cette façon est une qualité qui ouvre de nombreuses portes et peut faire pencher du côté qui nous arrange un grand nombre de décisions. Aussi, ça fait quelques temps déjà que je m’efforce d’étudier les secrets de toutes ces personnes ; voilà où j’en suis aujourd’hui.

Il m’a fallu un certain temps pour m’en rendre compte, mais présenter quelque chose, c’est avant tout faire passer un message. Même quand on a l’impression que la présentation est purement factuelle, il y a toujours un message derrière. L’objectif est donc de transmettre ce message à l’auditoire, et uniquement lui. Mais pour ça, il faut avoir toute l’attention de l’auditoire. Or, si vous avez déjà assisté à une présentation nulle, vous savez qu’il est impossible de rester concentré très longtemps. Une bonne présentation doit donc être avant tout captivante si elle veut avoir une chance de transmettre quelque chose. Elle doit raconter une histoire, et pour ça, quoi de mieux que de s’inspirer des règles d’écriture du scénario ? (d’ailleurs, je cherche toujours une référence biblio solide sur le sujet). Celles que j’ai identifiées et qu’il est à mon sens utile d’intégrer à une présentation sont les suivantes :

  • il doit toujours y avoir un objectif à atteindre et des obstacles qui nous en séparent ;
  • ne pas hésiter à insérer des changements d’objectifs (et donc de nouveaux obstacles) en cours de route, ça dynamise la présentation ; à part 24h chrono qui a poussé le concept un peu trop loin, c’est toujours très efficace pour entretenir l’attention ;
  • s’il y a des choses cruciales que l’auditoire doit retenir (genre un principe mathématique), il faut en parler plusieurs fois sinon il ne sera pas retenu ;
  • un message aura plus de force s’il fait appel à un souvenir de l’auditoire ; c’est une chose dont j’usais et abusais quand j’enseignais.

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S’inspirer des méthodes de construction de scénarii pour monter une présentation, c’est bien. Mais ça ne suffit pas. En effet, contrairement au cinéma, on ne peut pas non plus inventer une histoire de toute pièce (même si elle serait passionnante). Au contraire, on a des éléments à présenter, une réalité à ne pas déformer. Or, il arrive souvent qu’il y ait des choses qui ne s’intègrent pas bien dans l’histoire idéale qu’on veut raconter, et les changer reviendrait à mentir. J’ai trouvé les solutions à ce genre de problèmes dans les livres de magie (dans Books of Wonder de Tommy Wonder et Stephen Minch en particulier). En magie, on raconte également une histoire  c’est l’effet. Seulement cette histoire n’est pas réelle, la réalité s’appelle la méthode et elle contient tout un tas d’éléments qu’on aimerait ne pas trop mettre en avant dans l’histoire, mais qu’on ne peut pas non plus enlever. Je suis un peu mal à l’aise à l’idée de parler du contenu de ce livre étant donné qu’il s’agit de magie, mais je pense pouvoir vous dévoiler que l’idée principale est que toute histoire contient une partie en lumière (c’est-à-dire une partie qui attire l’attention) qui projette une ombre sur tout le reste. L’idée est donc de positionner les éléments que l’on ne peut pas enlever, mais sur lesquels on ne souhaite pas trop attirer l’attention, dans l’ombre des éléments que l’on souhaite transmettre à l’auditoire. Des exemples :

  • Vous avez un jeu de courbes à montrer, dont l’une est le résultat de votre travail et les autres ceux de vos concurrents. Vos résultats sont meilleurs que ceux de vos concurrents sauf un. La solution : mettez en lumière votre courbe en choisissant une couleur vive et mettez dans l’ombre les autres courbes en utilisant une couleur neutre, la même pour toutes, y compris celle qui est meilleure que vous. En faisant ça, vous vous assurez que votre courbe sera la première chose vue par l’auditoire, qui remarquera du même coup qu’elle est dans les meilleures. Si vous aviez fait le choix facile de donner une couleur par courbe, alors le regard de l’auditoire n’aurait pas été guidé de la même façon (c’est-à-dire pas du tout) : en cherchant des yeux la courbe qui correspond à vos travaux (car elle ne se détache pas), il est plus que probable qu’ils auraient identifié en premier la meilleure courbe, et avec le nom de l’équipe qui en est à l’origine, c’est-à-dire des concurrents. Je sais, c’est subtile, mais l’impression laissée est différente : dans le premier cas vous avez mis l’accent sur le fait que vous êtes dans le haut du panier, dans le second cas, vous avez mis l’accent sur le fait que vous n’étiez pas premier.
  • Vous aviez un objectif clair et un obstacle insurmontable et pourtant, vous vous apprêtez à présenter la diapo qui montre comment vous avez atteint l’objectif. Si vous avez bien fait votre boulot d’orateur, tout l’auditoire est en mode : « ah oui… » et n’est plus vraiment en train de vous écouter. Il se peut même qu’ils soient en train d’essayer de voir comment cette découverte peut affecter leur propre travail. Félicitations, vous venez de créer une très grosse zone d’ombre, et c’est le moment idéal pour glisser, par exemple, que votre solution ne fonctionne pas encore dans tous les cas.

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En somme, l’enseignement de ce livre est qu’il est indispensable de maitriser le média par lequel on s’exprime, afin de savoir quels sont les outils disponibles pour mettre en valeur quelque chose et donc pour éventuellement créer des zones d’ombre ; ou plus important encore, comment ne pas mettre involontairement des choses en valeur ou dans l’ombre. C’est la raison pour laquelle je m’intéresse (depuis plus longtemps encore) à la typographie et à la mise en page. Je sais que ce sont des domaines qui paraissent accessoires à beaucoup, mais c’est le principal vecteur de mise en lumière de ce qu’on présente. Par exemple, si les diapos respectent une mise en page précise, alors il deviendra possible de briser cette mise en page ponctuellement pour donner de l’impact à une information. Ce genre de choses, je l’ai appris dans un livre que j’ai acheté dernièrement et que je recommande vraiment à tout le monde. Ça s’appelle slide:ologie par Nancy Duarte. C’est un livre bourré de trucs et astuces qui révolutionneront votre façon de présenter. J’y ai particulièrement apprécié les nombreux exemples concrets de diapos retravaillées par l’auteur.

Bref, j’espère que je vous ai donné envie de faire l’effort de penser votre prochaine présentation autrement. Mais ne vous leurrez pas, aucune de toutes ces astuces ne permet de réduire le temps de préparation d’une présentation, bien au contraire. Mais je suis de ceux qui pensent que le jeu en vaut la chandelle.

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