Skier sur la bonne pente

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Illustration de l’adage bien connu qui prétend qu’on en apprend tous les jours : je suis revenu moins bête de ma semaine de ski. Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas un abus de raclette qui m’a appris quelque chose, mais un article dans un magazine de grimpe. Et cela se résume à la question suivante, que je pose aux skieurs qui me lisent : quelle était la pente de la piste la plus pentue que vous ayez descendue ? Je ne sais pas vous mais pour répondre, j’aurais allégrement tapé dans les 60°, au moins sur certaines portions des pistes les plus raides dans lesquelles je me sois jamais engagé…

À moins que vous ne soyez initié aux techniques d’alpinisme, que vous n’ayez l’œil, ou que je souffre d’un complexe d’infériorité, j’imagine que vous aurez tendance à être d’accord avec cette estimation. En tout cas, c’était le cas de toutes les personnes à qui j’en ai parlé à ce jour. Pourtant, cette estimation s’avère être extrêmement irréaliste. La bonne réponse tourne autour des 30°. Je vois déjà les pros du compas dessiner un angle de 30° pour visualiser la pente correspondante et protester : par rapport à l’horizontale ? Non tu dois te tromper !

C’est également ce que je me suis dit concernant l’article. Mais à poursuivre sa lecture, je me suis aperçu que si erreur il y avait alors celle-ci a été répétée plusieurs fois. Par ailleurs, l’auteur précisait qu’à ski, il devient dangereux d’essayer de faire un virage dans des pentes supérieures à 45° et qu’il vaut mieux faire des conversions. Bref, toutes les valeurs données étaient cohérentes… Vous me connaissez, c’est le genre de situation que j’adore tirer au clair et comme il y avait un nombre de pistes de ski conséquent autour de moi, je n’ai pas hésité à braver le soleil pour me rendre compte sur place. À l’œil, difficile de croire que certaines pentes ne font que 30°. Il a donc fallu mesurer (et donc passer pour un illuminé).

Quand on n’a pas grand chose sur soi, une solution est d’utiliser ses bâtons pour réaliser un triangle équilatéral (avec des angles au sommet à 60°) :[singlepic id=330 w=200 float=left] la technique est dite « du pendule » (voir illustration ci-contre) et est très simple à mettre en œuvre. Il suffit de prendre une empreinte d’un des bâtons, disposé dans le sens de la pente à mesurer. Ensuite, on relève délicatement l’extrémité aval de ce bâton en le faisant pivoter autour de l’extrémité amont (qui reste sur le sol). Une fois l’extrémité aval suffisamment haute, on vient y placer le second bâton que l’on laisse pendouiller (penduler) librement afin qu’il indique la verticale. Une fois stabilisé, il faut ramener l’ensemble vers le bas (toujours en pivotant sur l’extrémité amont du premier bâton) jusqu’à ce que le bâton qui pendouille touche le sol. S’il touche le sol à l’extrémité de l’empreinte, alors on a un triangle équilatéral dont un des côtés est vertical, et dont un autre (l’empreinte) est contre la pente : hop ! on a mesuré un angle de 60° entre la pente et la verticale, ce qui revient à mesurer 30° entre la pente et l’horizontale. Si le bâton qui pendouille arrive plus bas que l’empreinte, alors la pente mesurée est supérieure à 30°.

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J’ai donc joué à ce petit jeu dans les pentes les plus raides que j’ai trouvées et je n’ai effectivement rien mesuré qui soit ne serait-ce qu’égal à 30°. Il faut donc se rendre à l’évidence, les pistes de ski ont au mieux une petite pente de 30°. Déception pour l’égo. Si vous aussi vous êtes déçus, convertissez en pente routière et ça donne le chiffre plus valorisant de 50%. Ceux qui ont déjà descendu en voiture la rue Filbert de San Francisco (31.5%, soit environ 17°, voire photo ci-contre) imaginent assez bien, je pense, ce que donnerait une route pentue à 50%.

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Comme la vie est bien faite, je suis allé m’initier aux techniques d’alpinisme le weekend dernier, à l’occasion du Grand Parcours organisé par le Club Alpin Français des Haute-Vosges : matos d’escalade, plus crampons et piolets, nous avons appris à évoluer sur la neige en pente raide (jusqu’à 50° dans le dernier couloir qu’on a remonté) et j’ai donc pu expérimenter ce que c’est qu’une pente à 50° et effectivement, ça n’a absolument rien à voir avec les pentes des pistes noires.

Tout ça pour dire que si un jour vous avez un quéquet qui se la joue « moi je descend des pentes extrêmes », à moins d’être tombé sur un champion de freeride qui saute des barres rocheuses et tout, vous pouvez facilement lui coller la honte en formant un angle de 45° avec vos bras en disant qu’il n’a probablement rien descendu de plus pentu que ça.

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